Le Repos de l'Assassin

La nuit était sombre.
Bien peu faisaient encore attention à cette ombre qui se mouvait parmi les autres. Furtive, évasive, elle se glissait sur les toits du Port des Quatre Vents tel le rayon de lune caresse les bâtiments et disparait derrière le voile d'un nuage.
Dans la rue principale, les badauds flânaient autour des décorations de Noël puis allaient d'un pas traînant vers les étals et échoppes.
L'ombre se glissa au milieu des passants, toujours sans visage, une courte lueur métallique jaillissant de ses manches par moment quand la main passait près d'une bourse bien pesante. Et toujours invisible, il retourna dans une ruelle sombre. Quittant son voile d'ombres, il regarda la récolte du jour. Deux bourses contenant respectivement une pièce d'or et une vingtaine de pièces d'argent et une multitude de piécettes de cuivre.
- Maigre récolte que celle-ci...
Le voleur tourna les talons et se fondit à nouveau dans la foule. Maigre butin, maigre repos.
Mais un voleur connaît-il seulement le repos ?

Le voleur s'envola finalement sur un toit à l'écart de tout cette agitation humaine.
Il aimait ainsi mettre à l'épreuve la liberté qui lui était offerte. Entre le massacre des créatures infernales et le massacre du temps, quel différence puisqu'il s'agissait du même ennui. A la différence que l'un avait le risque non négligeable d'aboutir à la mort.
C'était bien une nuit comme il l'aimait, sombre et vide, comme il souhaiterait que son esprit soit, pour enfin accéder à un repos meilleur. N'était-il pas du ressort d'une vie à la rue que de dormir mal et mal dormir ? Il ne pouvait aller dormir au chaud dans une auberge, ses mains auraient tôt fait de détrousser ces pauvres gens... dormir dans le froid glacial de l'hiver ne l'enchantait pas non plus. D'ailleurs, à s'étendre ainsi sur une couche de givre, il risquait de tomber malade. Rien ne valait mieux au monde qu'un peu d'exercice physique pour se réchauffer le corps engourdi.
D'un saut périlleux vers l'arrière, il bondit du toit et glissa sur les cordes sur lesquelles étaient accrochées les lanternes de fête. Un curieux de lumière se fit alors que cette ombre passait sur le cordage pour rejoindre le sol dans une ruelle voisine.
- Je te tiens, mon voleur !
Un épais personnage, peu chaleureux, le visage dur et fermé autant que laid venait de poser sa large main poisseuse sur le bras du voleur.
- Attention, mon bon monsieur, le givre rend le sol glissant !
D'un savant mouvement de fuite, l'assassin fit effectuer à l'homme un magnifique vol plané simulant une terrible glissade sur une plaque de givre tandis que lui allait, disparaissant dans les ombres de la ruelle.
Qu'il était bon de n'obéir qu'à sa seule volonté...
L'assassin tira la lourde bourse qu'il venait d'obtenir, profitant d'un rai de lumière pour faire briller son contenu. Des pièces d'or...
- Pas mauvaise récolte pour finir... et pas une si mauvaise nuit en perspective...

J'ai hate que tu écrive la suite de cett histoire magnifique (elle est trop bien).

Cela viendra en son heure ! Il suffit de m'épuiser un peu ingame et l'imagination vient toute seule^^ !

Une fenêtre coulissa doucement, se soulevant comme par magie sans que nul ne voie l'ombre d'un geste.
En dépit de la neige, il n'y eut pas un seul crissement ou d'à-coup. Tout était exécuté avec une minutie et un précision maniaque. Pendant un bref instant, une forme fugitive sembla se glisser à l'intérieur de l'auberge mais déjà, le cerveau était berné et classait l'événement sous le dossier "hallucinations dues à l'alcool". La fenêtre se referma alors, cette fois moins délicatement qu'à l'ouverture.
Retirant son voile d'ombre pour la énième fois cette soirée, l'assassin regarda ce magnifique lit baldaquin aux couvertures veloutées ; il s'imaginait déjà en train de sommeiller dans ces draps chauds et confortables. Cela dit, il était peu probable que cela arrive. Il était voleur, et il était important de ne pas l'oublier sous peine de mort certaine. C'était une chambre très richement décorée : parquet ciré, meubles d'artisans ornés de nombreuses fioritures parfois même plaquées d'or, des fauteuils capitonnés de velours et au comble, un lustre brillant éclairait toute la pièce. Sur une commode trônait en reine, une corbeille de fruits frais et tel un valet, siégeait à côté une carafe d'eau claire.
Le voleur se saisit d'une belle pomme et croqua à pleines dents. Les mille saveurs de sucrés, acidulés, juteux se déversèrent en lui comme il aurait déversé un torrent de coups de katar à un ennemi retors.
- Quel dommage que ceci n'arrive guère plus souvent...
Sa complainte fut telle une prophétie. Déjà, il entendait des bruits de pas dans le couloir qui se rapprochaient de plus en plus de la chambre. Une clé tourna dans la serrure et la porte s'ouvrit pour découvrir la silhouette gracieuse d'une mage fatiguée par une journée de travail acharné.
Seconde nature étant, le voleur s'enroba de nouveau de son voile et glissa vers la sortie tout en tendant ses mains vers cette poche rondelette qui dessinait de nombreux contours durs de pièces. Un petit coup de katar et...
- Holà petit voleur ! Tes mains me semblent bien baladeuses !
D'une simple pensée, la mage avait fait naître une fine cascade de flammes devant les mains avides de l'assassin. Ce dernier fit jaillir ses armes de ses manches et s'appliqua à immobiliser cette bourse ambulante. La mage, toujours sans esquisser le moindre mouvement, fit claquer la porte, tourner la clé pour verrouiller la pièce puis d'une arabesque de la main, elle se protégea d'un halo immatériel sur lequel glissa la lame de katar autant que l'assassin qui se retrouva, déséquilibré, projeté à terre.
- Un voleur volé ? fit-elle en ramassant une des lames de katar.
D'un geste bien menaçant, elle ramena à elle sa lance de bataille et cogna durement le parquet qui semblait se plaindre d'une telle maltraitance. Les yeux de la mage se mirent un moment à briller tandis que la magie s'accumulait dans son arme.
L'assassin regardait tout autour, cherchant désespérément une issue, un secours. La fenêtre était fermée par ses soins, la porte verrouillée par magie et cette mage qui allait le rôtir vivant pour une simple tentative de vol ! Ça y est, c'était fini de lui, son long périple sur ce monde était terminé, durement achevé par la collision d'une boule de feu et d'un corps sans défenses... Instinctivement, il se pelotonna derrière abri de fortune qu'était un des meubles.
Les flammes crépitèrent à leur naissance et embrasèrent l'air tandis que la pièce sentait soudain le brûlé...
Onde de choc.

t vraiment doué je me demande ou tu trouve toute cette imagination

C'est que j'adore écrire, presque autant que de faire de la musique, alors l'imagination vient presque toute seule. Je sais, j'ai de la chance^^ !


EDIT : La fin de cette histoire arrivera prochainement !

Il faisait froid.
Peut-être un peu trop. Normalement, il aurait dû avoir chaud. Après une collision avec une boule de feu, généralement, la première impression est la chaleur mais là, bizarrement, il avait froid. Était-ce un effet de la mort ? Se sentait-on glacial à ses derniers moments ? Il n'aurait su le dire. D'ailleurs, était-il mort ou vivant ?
Il lui semblait entendre quelqu'un crier. Il lui semblait voir quelqu'un tomber. Il lui semblait que tout se déroulait avec une infinie lenteur.
Il se voyait crier, il se voyait tomber et voyait tout ralenti à l'extrême. La chambre s'éloignant de plus en plus de champ de vision tandis que le sol se rapprochait avec hâte. Dans la chambre, la mage grognait, étendue sur le lit, pulvérisé par la force de son sort. Sort qui lui avait échappé de son contrôle et qui avait explosé en plein milieu de la pièce telle une bombe.
- Une chance pour toi que je sois fatiguée !
A vrai dire, bien peu importait ce que cette dingue aux pouvoirs instables pouvait dire. Il lui était bien plus urgent de rétablir une chute viable. Ses mains serraient encore désespérément le bois du meuble derrière lequel il s'était abrité tandis que son dos vivait l'horreur que de voir le sol se rapprocher à toute vitesse.
Plus que dix mètres, neuf, huit, six, quatre, deux, un...

Et il tomba.
Le sol vint le percuter durement. Il sentit la douleur se propager d'un point de son corps à l'autre tandis que sa tête cogna violemment le bois du cadre d'un lit. Où était-il à présent ? Était-il réellement mort cette fois ? Il ne voyait rien hormis le capharnaüm qui avait atterri avec lui au sol. Ouvrant un peu plus les yeux, profitant de ce qu'il pensait être son dernier souffle, il scruta les objets éparpillés devant lui. Un vase, une paire de katars dans leur fourreau, une bourse dont le contenu avait été éparpillé partout sur le sol, une chaise renversée... ces objets lui semblaient vaguement familiers ; ce devaient être les objets projetés hors de la chambre lors de l'explosion mais pourquoi les dagues étaient-elles dans leur fourreau ?
Il sentit un quelque chose de mou et dur à la fois lui tomber sur le visage puis couler sur ses lèvres. Tiens, il pouvait encore goûter... sucré... comme une pâtisserie de Noël...

Pâtisserie de Noël ?
Il se tira de son état somnolent et appréhenda avec clarté les lieux et la situation. Le sol gelé de l'hiver ne se trouvait pas sous son dos, aucune lanterne à vue mais un plafond grisâtre et malpropre. Quel était cet endroit qui lui semblait bien trop familier ? Son regard tomba sur un livre grand ouvert. Le titre s'intitulait : "Le Repos de l'Assassin".
Ainsi ce ne fut qu'un rêve ? Quelle déception...
- Quel cauchemar ! Plus jamais de romans avant de dormir !